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ثقافة La vie est un songe de Hafiz Dhaou, Aïcha M’barek et David Bobée: Accepter de tout perdre pour retrouver son humanité

نشر في  02 نوفمبر 2015  (16:09)

Les boutons rosés de l'amandier, beaux et fiers au petit matin, savent-t-ils qu'au plus léger souffle du vent, ils pourraient finir par terre et perdre leur beauté, leur parure et leur éclat?
 
Sur une scène à ciel ouvert, au cœur de l'Institut Français de Tunisie, les protagonistes de "La vie est une songe", pièce du trio Hafiz Dhaou, Aïcha M’barek et David Bobée, et l'une des plus importantes créations théâtrales de la 17ème édition des journées théâtrales de Carthage, font leur entrée.
 
 D'un côté, le Roi Basilio (Hichem Rostom) et de l'autre le Prince Sigismond (Abdelhamid Bouchnak) retenu par une lourde chaîne dans une tour isolée. Entre eux, un monde fait de cruauté, de gloire, de solitude et de rêve de liberté. Dans cet univers mi-sombre, mi-éclairé, le trio jette ses dés en paroles théâtrales fluides traduisant la fable socio-politique de l'écrivain espagnol Pedro Calderon (17ème siècle) qui se déroule dans une "Pologne imaginaire".
 
 "La vie est un songe" raconte l'histoire du roi Basilio qui a vu des présages funestes lors de la naissance de son fils Sigismond, dont la mère est morte en couches. Les signes annoncent que Sigismond renversera et tuera son père, puis deviendra un tyran cruel envers son peuple. Pour échapper à ce destin, le Roi a donc déclaré le Prince mort-né et l'a fait enfermer dès sa naissance dans une tour..
 
La pièce se déroule pendant trois journées, au cours desquelles intrigues de la cours, folie du pouvoir politique, soif de liberté et désir de justice constituent les axes de cette histoire qui se situe entre songe et réalité. 
 
 
 "Il y a si peu de différence entre la vie et le rêve que l'on ne sait jamais si ce que l'on voit est mensonge ou vérité. Tout ce que nous avons vu là, évidemment nous l'avons rêvé. C'était une copie, et non l'original. Tout ce que nous avons vu là, évidemment nous l'avons rêvé". Pedro Calderon dans "La vie est un songe".
 
Et c'est à travers une scénographie en "ballet" que le trio convie le spectateur à faire immersion dans un monde mi-humain, mi fou. Une sorte de mirage scénique dans lequel duels, tiraillements, luttes incitent à se remettre en question, à se demander pourquoi la folie des guerres, les génocides, les déportations, pourquoi la douleur, les blessures?
 
 Ce sens là, les différents tableaux de la pièce n'ont cessé de "le dire" et de le répéter jusqu'à inviter les spectateurs à venir sur scène, le temps d'une illusion de quelques minutes, pour faire partie du peuple de Pologne et écouter le discours du nouveau Roi Sigismond parler de paix, d'amour d'autrui et de justice.. 
 
Parmi les scènes qui nous ont particulièrement touché, nous citerons celle du tableau de la révolution populaire, dans laquelle le peuple revendique la désignation du prince Sigismond à la tête du Royaume. Volutes de fumée, lumières ocres, chaos humain et ombres qui transpercent l'obscurité partant à la conquête d'un renouveau social et politique constituent le point culminant d'une pièce à forte portée symbolique.  
 
C'est probablement la formation de danseur-chorégraphe de Hafiz Dhaou et Aïcha M’barek qui a donné le ton a cette pièce tout en mouvement. Gestuelle, danse et générosité des différents acteurs ont donné une forte symbiose des éléments scéniques.
 
Le corps, dépositaire des souffrances, de la folie, des aspirations de liberté, de la puissance et des défaites, c'est ce corps là que Hafiz Dhaou et Aïcha M’barek ont célébré comme moteur de rêves de justice et de liberté.
 
Détruire le miroir qui renvoie l'image de la folie du pouvoir, douter et accepter de tout perdre pour retrouver son humanité, tel a été le fil conducteur de "La vie est un songe" du trio Hafiz Dhaou, Aïcha M’barek et David Bobée, et qui est l’un des chefs-d’œuvre du théâtre espagnol du siècle d’or (17ème siècle), traduit pour les besoins de la production en langue arabe dialectale par Nidhal Guiga.
 
 "La vie est un songe" est une co-production du Centre d’Art dramatique du Kef, de l’Institut français de Tunisie et du Centre dramatique national de Haute Normandie.
 
* Distribution : Hichem Rostom (Basilio), Amira Chebli (Rosaura), Abdelhamid Bouchnak (Sigismond), Nejma Zeghidi (Etoile), Bilel Beji (Astolpho), Assem Bettouhami (Clothaldo), Mourad El Meherzi (Clarin), Rabih Brahim (Soldat), Mohamed Djobbi, Youssef Choubi, Hichem Chebli.

* Lumières : Stéphane Babi Aubert assisté de Slim Jamoussi
* Son : Jean-Noël Françoise et Skander Besbes assistés de Salah Chargui
* Costumes : Stéphane Barucci assisté de Jalila Madani
* Régie plateau : Marwa Boubaker
 
Chiraz Ben M'rad